Grenoble. Laurence Ruffin propose un projet industriel de territoire
Par Luc Renaud
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« Je vous appelle à vous prendre en photo avec une bouteille de sirop Teisseire pour inonder les réseaux sociaux et à verser à la cagnotte en ligne de soutien aux salarié en grève de Teisseire. » D’emblée, Laurence Ruffin, candidate à l’élection municipale de Grenoble, avait placé la soirée de débats consacrée à l’industrie sous le signe de la solidarité avec les Teisseire. Et c’est un représentant des salariés en grève qui a ouvert les débats.
Teisseire, à l’image d’une industrie grenobloise qui se porte mal, et qui pourtant est riche de savoir faire dans la deuxième métropole industrielle de France. Ce qu’ont tour à tour illustré les trois intervenants de cette soirée organisée au siège du PCF à Grenoble.

« Lorsque je suis sortie de l’école et que je disais que je m’intéressais à l’industrie, on me regardait avec des yeux ronds ; l’industrie c’était ringard, on me conseillait d’aller travailler dans la finances », témoignait Laurence Ruffin. L’époque du début des années 2000, rappelée par Charles Fournier, de la théorie d’une France sans usines, tournée vers les services et la finance. Avec comme conséquence la disparition des unités de production, celle des turbines de General electric à Grenoble, par exemple.
Ce choix a été celui des actionnaires des grands groupes industriels avec leurs conséquences en cascade sur le tissu industriel de la sous-traitance. Au point que « la France est devenue le pays le plus désindustrialisé du G7 », rappelait Laurence Ruffin.
Stratégies de démantèlement industriel conduites sous le regard bienveillant de l’État. « Lorsque l’on rencontre un ministre de l’Industrie sur le sujet de ST Microelectronics, il nous répond qu’il n’y peut rien : les États français et italien sont pourtant actionnaires de référence de l’entreprise ». Bienveillance que l’on peut nommer complicité. « Les millions de subventions perçues par Michelin ne sont pas remboursés alors que le groupe a fermé deux usines et le gouvernement se refuse à les réclamer », s’indignait Eric Hours.

Contreparties en termes sociaux et environnementaux que les trois intervenants estimaient nécessaires, et que Laurence Ruffin proposait d’ailleurs de renforcer s’agissant des aides attribuées aux entreprises par la métropole grenobloise.
Autre point souligné par les trois intervenants, celui de l’indispensable intervention de l’État, d’un état stratège des choix industriels, d’une planification aux antipodes de l’ultralibéralisme qui sanctifie le pouvoir des actionnaires. Avec des points de débat. Lorsqu’Eric Hours, prenant l’exemple de Vencorex, propose des nationalisations qui peuvent être temporaires pour protéger des entreprises vitales pour l’industrie du pays, Charles Fournier évoque « la mise sous gestion publique temporaire ». « Cela revient à laisser les actionnaires propriétaires de l’entreprise, ces mêmes actionnaires dont les choix ont conduit dans le mur », relève Eric Hours.

Ce que pourrait être l’intervention de l’État ? Outre la prise de contrôle directe, Laurence Ruffin citait un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. « Lorsque nous avons proposé un plan de reprise de Duralex par ses salariés, la Banque publique d’investissement à mis sur la table une aide de 750 000 euros ; en face, il y avait un projet privé traditionnel, moins favorable aux salariés et à l’entreprise, pour lequel la BPI était prête à verser plusieurs millions d’euros. » Banque publique d’investissement, directement placée sous le contrôle du gouvernement. Pourtant, indiquait Laurence Ruffin, les coopératives sont aujourd’hui des entreprises statistiquement plus solides que les sociétés par actionnaire…

Favoriser les projets des salariés – « les meilleurs experts d’une entreprise industrielle, ce sont ses salariés », insistait Eric Hours qui se prononçait pour des droits nouveaux des salariés dans la direction des entreprises –, mais aussi mobiliser l’épargne, proposait Laurence Ruffin – « nous avons des choses à faire à ce niveau au niveau local » – ou encore taxer aux frontières en fonction de l’impact social et environnemental, utiliser le décret Montebourg qui permet de bloquer des cessions dans des filières stratégiques, mobiliser l’outil de la commande publique… comptent parmi les propositions de la candidate à l’élection municipale grenobloise. De son côté, Charles Fournier voit beaucoup de choses possibles dans le partage des machines outils entre différentes entreprises, l’amplification des échanges locaux, la gestion locale du foncier…
Eric Hours reprenait la question sous l’angle régional. Pour constater l’ampleur de l’aide régionale aux entreprises : un milliard sur six ans au titre du plan régional d’aide à l’industrie, « plus tout le reste », des infrastructures à la dépollution des terrains, par exemple. Il notait que la région Auvergne-Rhône-Alpes, comme d’autres, ne craint pas de jouer la carte du dumping. « Que gagne l’industrie et notre pays, lorsque l’on dépense des millions pour aller délocaliser une entreprise du Nord et la faire venir chez nous ? », s’interrogeait-il. Une planification des stratégies industrielles, la région pourrait y apporter sa pierre aux côtés de l’État, en soutenant des synergies territoriales au sein d’une filière… comme le propose le projet Axel sur l’imagerie médicale, à Moirans, que le conseil régional rechigne toujours à soutenir.

Le conseiller régional communiste rappelait par ailleurs les difficultés des collectivités locales, « pillées par les gouvernements successifs, celui de Hollande ayant été le pire en la matière ». Moins de moyens, une autonomie fiscale réduite à peau de chagrin… autant de difficultés supplémentaires à promouvoir des politiques économiques locales.
Défi que Laurence Ruffin n’en souhaite pas moins tenter de relever. « C’est bien sûr une grande question nationale et européenne, disait-elle, nous n’en avons pas moins des choses à faire pour une planification industrielle écologique et sociale au niveau du territoire. » Un « projet industriel de territoire », s’appuyant sur le potentiel de recherche pour revitaliser des filières industrielles, mettant en valeur les atouts d’une « Grenoble belle à vivre », soucieuse de ses services publics et de sa qualité de vie : « ce que demandent les entreprises qui viennent s’installer, c’est d’abord un cadre de vie pour ses salariés, des crèches, des écoles, une vie culturelle ».
Une soirée au cours de laquelle Laurence Ruffin ne manquait cependant pas de rappeler : « on va gagner, mais à condition de s’y mettre ». Ce jeudi soir, dans la grande salle de la fédération du PCF, a marqué une étape du dynamisme de la campagne électorale de Laurence Ruffin.




