Aux origines du Dauphiné libéré. Secrets d’histoire

Par Max Blanchard

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"Coup de force contre la presse de la Résistance, lever du séquestre de l'ex-Petit Dauphinois", titraient les Allobroges le 13 juin 1950.
Sonnez tambours, résonnez trompettes, le Dauphiné libéré fête ses 80 ans. Une satisfaction bien compréhensible pour le quotidien régional, mais qui se voile de nombreux oublis ou silences : bienvenue au pays des Bisounours !

Au fil de ses écrits com­mé­mo­ra­tifs, la nais­sance du jour­nal est racon­tée comme un conte de fées. « Il a donc fal­lu que quatre résis­tants de la pre­mière heure se décident à prendre les choses en main, ren­ver­ser la table et le des­tin ». Sans dénier la filia­tion résis­tante (le Mou­ve­ment de libé­ra­tion natio­nale), l’évolution éco­no­mique et poli­tique a pour autant quelque peu pesé dans la balance. La lutte poli­tique est hâti­ve­ment éli­mi­née : « le DL est né pour ne pas avoir su s’entendre avec les Allo­broges [seule men­tion de ce titre] pour un jour­nal com­mun”.

C’est faire silence sur la bataille poli­tique menée à l’encontre des com­mu­nistes, sur l’existence du quo­ti­dien concur­rent issu du Front natio­nal de la Résis­tance, les Allo­broges ; de la levée des séquestres liés au jour­nal col­la­bo­ra­tion­niste Le Petit Dau­phi­nois le 8 juin 1950, sur les sou­tiens finan­ciers dont béné­fi­cie­ra le DL

Une situa­tion qui per­met­tra par la suite à Louis Riche­rot – pre­mier gérant du DL – de décla­rer en août 1950 : « Main­te­nant on peut le dire la tête haute, le DL est la suite logique du Petit Dau­phi­nois. »

Rappeler

Loin de faire un his­to­rique exhaus­tif qui n’a pas sa place ici, il est sou­hai­table de rap­pe­ler la nature et la qua­li­té de l’ouvrage de l’historien Ber­nard Mon­ter­gnole (qui fut éga­le­ment adjoint socia­liste échi­rol­lois et dépu­té de 1983 à 1986), La presse gre­no­bloise de la Libé­ra­tion, paru en 1974 aux Presses uni­ver­si­taires de Gre­noble. Un livre qui valut à l’auteur d’être boy­cot­té par le DL. Mais aus­si du besoin de s’y repor­ter avec inté­rêt.

Nous n’en extrai­rons que ces quelques lignes : « La levée du séquestre pro­fi­tait bien sûr à l’ex-propriétaire [Mar­cel Bes­son, ex-direc­teur du Petit Dau­phi­nois]… mais les diri­geants du Dau­phi­né libé­ré par­ta­geaient avec M. Besson le pro­fit de cette opé­ra­tion : finan­ciè­re­ment mieux assu­ré, il voyait s’approcher le jour où il pour­rait deve­nir le maître des locaux qu’il occu­pait et appa­raître comme l’héritier incon­tes­table et presque légi­time de l’empire de M. Bes­son… »

Une his­toire oubliée ?

Oublier l’oubli

L’historien Jacques Gode­chot, pré­fa­cier de l’ouvrage concé­dait : « Le DL a fini par l’emporter, mais avec sa vic­toire, c’est sous un autre titre, pra­ti­que­ment le Petit Dau­phi­nois qui repa­rait. Ain­si tombent les espoirs et les illu­sions de la Libé­ra­tion et s’organise à Gre­noble, comme dans la plu­part des villes de la pro­vince fran­çaise, un presse à mono­pole, le sys­tème du jour­nal unique. C’est la main mise pro­gres­sive d’un jour­nal à grand tirage sur l’opinion de toute une popu­la­tion ».

Com­men­tant pour sa part la sor­tie de l’ouvrage, Pierre Rol­land dans le Tra­vailleur alpin (8/14 juillet 1974) écri­vait : « Le livre sou­ligne par­fai­te­ment que si la route du jour­nal de la Résis­tance, Les Allo­broges, fut par­se­mé d’épines, les hommes du DL sur­ent balayer tous les obs­tacles devant leur porte avec l’aide de la grosse finance et le sou­tien sub­jec­tif du col­la­bo Bes­son ».

L’histoire est à rap­pe­ler et à médi­ter, et non à oublier.

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