MC2 — Grenoble – La Saga de Molière. Une soirée pétillante !
Par Régine Hausermann
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« Mesdames et Messieurs, chers amis, chers publics, bienvenue ! Voici l’histoire de Molière comme vous ne l’avez jamais entendue auparavant ! » Johana Giacardi lance le spectacle devant les spectatrices et spectateurs assis dans un dispositif tri-frontal. Elle nous en dit un peu plus sur la genèse de la Saga : « L’été 2019, je découvre Le Roman de Monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov et le soir, sous la toile de ma tente, je m’amuse à nous reconnaître à travers ce récit : Tiens ! Peut-être qu’en fait Molière c’est moi ! Peut-être que l’Illustre Théâtre c’est les Estivants ! »

Ni biographe, ni historienne, elle prend la liberté de raconter la vie de Monsieur de Molière selon sa propre représentation du théâtre de l’époque, quitte à fabriquer des légendes à partir d’éléments connus, de déformer la réalité, d’exagérer le caractère rocambolesque de sa vie, d’établir des liens avec sa propre compagnie de théâtre du XXIe siècle.
Johana Giacardi, c’est la grande mince au sombrero, la fondatrice de la compagnie Les Estivants en 2016 à Marseille. C’est aussi l’autrice et la metteuse en scène du spectacle qui a d’abord tourné dans les campings du sud de la France en 2019, comme Molière s’est lancé sur les routes de France en 1645 avec son Illustre Théâtre.
La jeunesse parisienne
Mais revenons aux origines, à ce jour de la naissance de Jean-Baptiste, début janvier 1622 à Paris. Nous assistons à l’accouchement mouvementé de Marie Cressé, à la joie du père Jean Poquelin recevant son fils dans ses bras. Jean-Baptiste a bientôt dix ans et son père le voit déjà tapissier comme lui. Mais le garçon est séduit par les bateleurs du Pont-Neuf, les comédiens italiens que son grand-père lui a fait connaître.
Jean-Baptiste entre au prestigieux collège de Clermont, dirigé par les jésuites évidemment (actuel lycée Louis-le-Grand. Il y noue des amitiés qui lui font rencontrer les philosophes libertins Gassendi et Cyrano de Bergerac. Il y côtoie le prince de Conti — dit Ticon ! — qui deviendra plus tard son mécène… selon la version Johana Giacardi !
Les comédiennes portent successivement des éléments de vestimentaires et des accessoires qui les transforment en Marie Cressé, en accoucheuse, en gamin porté sur les épaules du grand- père, en Cyrano, Gassendi…
Il sera comédien !
C’est décidé, Jean-Baptiste ne sera pas tapissier mais fera du droit. Pourtant l’amour du théâtre balaie tout et le jeune Poquelin devient Molière. Belle scène de rencontre amoureuse avec la comédienne Madeleine Béjart lors d’un récital poétique où elle dit le fameux sonnet de Louise Labbé :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
En contrepoint, l’une des comédiennes, transformée en cœur brûlant, joue de la flûte !

L’Illustre Théâtre
En 1643, Molière s’associe avec les trois aînés de la fratrie Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève), pour constituer une troupe permanente. Difficile de rivaliser avec les « grands comédiens » de l’Hôtel de Bourgogne, les rois de la tragédie.
En 1646, décision est prise de partir sur les routes du Sud de la France. La troupe tourne pendant douze ans dans les villes du Sud. A Montpellier, Grenoble, Pézenas… Elle obtient même la protection de Ticon – le Prince de Conti – avant de rejoindre Paris et de régaler la Cour et la Ville avec les comédies que nous connaissons. Mais rares sont les citations des œuvres. Johana Giacardi et ses comédiennes privilégient le récit et l’action.
Molière est devenu le grand dramaturge que nous connaissons, non sans difficultés professionnelles, pensons à la querelle du Tartuffe. Dans le domaine sentimental, le remplacement de Madeleine par sa jeune sœur Armande est sévère, lors d’une séquence dont la dureté est atténuée par la caricature : Madeleine, le visage strié de rides tracées à vue au charbon de bois, répudiée !
Le Masque et la Plume
Séquence très applaudie par le public, celle où quatre comédiennes interprètent en playback une séquence critique féroce du « Masque et la Plume » consacrée à une pièce de Molière, on ne saura pas laquelle. Les contorsions des critiques, la méchanceté de leurs propos vipérins sidèrent !
Le temps a passé trop vite, Molière continue à écrire, mettre en scène, jouer. Il est mal en point mais décide de jouer malgré tout. Son dernier rôle est celui d’Argan, héros du Malade imaginaire. Il meurt le 17 février 1673.
Fin de la Saga de Molière applaudie par le public qui allume la petite bougie reçue à l’entrée. Bel hommage émouvant de centaines de lumières célébrant dans la pénombre la grandeur de l’artiste et de l’art !
