Bernard Friot à la Machinerie de Grenoble
Par Edouard Schoene
/

La salle de ce lieu produit par la régie de quartier était comble. Le public était diversifié — ce qui, souvent, est loin d’être le cas de rencontres de cette nature. La série de questions de l’animateur, très au fait des travaux de l’invité, a permis un démarrage dynamique de la soirée.
Bernard Friot commence son intervention en précisant plusieurs termes de vocabulaire. « Le travail, pour le capitalisme n’est que ce qui génère de la valeur. Ainsi il définit comme dépenses le travail pour la santé, l’éducation, les services publics… Les enseignants seraient des gens utiles mais pas productifs. Nous avons été catéchisés par la « religion capitaliste ». Il n’y a pas de séparation entre la religion capitaliste et l’Etat. »

Le médiateur interroge alors : « Comment définissez vous une autre façon de considérer le travail ? »
« Tout n’est pas travail », répond Bernard Friot. « J’ai un tas d’activités qui ne relèvent pas du travail, les loisirs notamment. Nous ne sommes pas une espèce comme les autres. Les humains ont un rapport réflexif avec les autres humains. Assumons cette responsabilité. Nous allons, ensemble, humains sortir de l’entropie, d’une sorte de finitude. La planète est finie mais il y a un travail infini pour trouver une relation nouvelle avec l’autre vivant. »
Revenant longuement sur l’assassinat de Nahel et les événements qui s’en sont suivis, Bernard Friot insiste sur l’importance d’enrichir la notion de citoyenneté par le « droit au travail ».
Il regrette que la gauche (il restreint la gauche à PCF-LFI-NPA, NDLR) soit socialiste, pas communiste. « Pourquoi la gauche n’est pas capable de mobiliser l’effervescence communiste, le communisme qui se construit au quotidien ? La classe dominante organise le travail ; elle ne fait pas que d’exploiter le travail. Nous sommes dépossédés du travail par les capitalistes. Les salariés ne décident de rien. Le lieu de pouvoir, disait Marx, c’est le despotisme de fabrique. » Bernard Friot en conclut que ce qui est décisif c’est la prise de pouvoir au travail. Il énonce : « Il faut sortir le travail de l’étrangeté à nous. Nous devons devenir fiers de notre travail, celui où nous serons acteurs et pas fiers de gagner l’argent au travail. »
Puis il analyse les propositions de cette gauche, définie précédemment, qui ne fait que réclamer la continuité du salaire. Il en vient à énoncer ses propositions. Tout résident en France à 18 ans aurait trois droits :
- Salaire jusqu’à 60 ans, au titre de salarié responsable du travail
- Propriété de l’outil de travail
- Décision sur le travail
Dans le débat riche qui a suivi, Bernard Friot a noté que les fonctionnaires, avec le statut qui est le leur, sont en droit, seraient en devoir, ayant un salaire à vie, sans contrat, d’investir fortement le droit à faire le travail tel qu’ils l’entendent collectivement, au service des citoyens, du pays et non du pouvoir.

Des questions portaient sur Bourdieu et d’autres penseurs français, sur l’intérêt d’exercer notre droit de vote.
Bernard Friot : « Nous avons besoin de conquêtes électorales. Je suis membre du PCF et militant. Mais il nous faut avant les victoires électorales des conquis préalables sur le travail. »
Un intervenant interroge : « pourquoi votre colère M. Friot ? » « J’ai la tristesse de constater une cécité assez généralisée sur le déjà là communiste. 17 millions de personnes (fonctionnaires…) ont un salaire communiste ! »
La soirée s’est terminée par le prolongement des débats autour d’un buffet, la vente de livres et des échanges avec le « réseau salariat » qui était présent .
Plus d’infos :
Le communisme qui vient, Bernard Friot / Bernard Vasseur