Le droit international, une boussole pour la paix au Proche-Orient
Par Maryvonne Mathéoud
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Le travail de Ziad Majed porte sur les droits et libertés dans le monde arabe. Il est l’auteur de Syrie, la révolution orpheline et Dans la tête de Bachar Al-Assad (avec Subhi Hadidi et Farouk Mardam-Bey), parus chez Actes Sud en 2014 et 2018. Il est membre du comité de rédaction de la revue d’études palestiniennes et est contributeur à Mediapart et à Orient XXI.
La rencontre/débat avait pour objet de répondre aux questions : peut-on se saisir du droit international pour protéger les peuples contre la violence des États ? La reconnaissance des crimes coloniaux passés, comme celui commis le 8 mai 1945 en Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata, peut-elle contribuer à édifier des points de repère et des normes contre les violences du temps présent ? Le droit international peut-il être une « boussole pour la paix » ?
En Iran, Syrie, Turquie… tout semble permis pour garder le pouvoir : bombardements, emprisonnements massifs, tortures et condamnations à morts. À Gaza, depuis l’attaque du Hamas contre des militaires et des civils israéliens le 7 octobre 2023, l’État d’Israël fait subir une punition collective d’une violence inouïe au peuple palestinien, causant la destruction de plus de la moitié des infrastructures et la mort d’au moins 40 000 personnes, sans compter les très nombreuses morts dues au désastre humanitaire.
La Cour pénale internationale a été créée pour poursuivre les criminels. La CPI a une vocation universelle, elle est chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre. Mais des pays y compris des pays démocratiques protègent leurs alliés. Des dirigeants américains menacent directement le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, lorsqu’il condamne des membres du gouvernement israélien. Politiciens israéliens qui mettent en avant la Shoah — l’une des motivations de la création de la CPI — comme devant empêcher la poursuite d’Israéliens.
Ce qui repose la question du « deux poids deux mesures » : pour certains dirigeants occidentaux, le droit international doit assurer la protection de populations victimes d’exactions, et à juste titre ; mais peut ignorer d’autres êtres humains pourtant sous les bombes. Difficile dans ces conditions d’évoquer des droits universels.
Le Conseil de sécurité des Nations unies est l’organe exécutif de l’Organisation des Nations unies (ONU). Il est défini comme ayant « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale » selon la Charte des Nations unies et dispose pour cela de pouvoirs spécifiques tels que l’établissement de sanctions internationales et l’intervention militaire. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies est un texte ayant une valeur juridique contraignante, contrairement à une résolution de l’assemblée générale.
Concernant la Palestine, le droit international reconnaît deux États. Cependant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, France, Royaume-Uni, Russie et États-Unis) ont un droit de veto qui leur permet de bloquer toute résolution « de fond ». « Cinquante-cinq vetos ont permis de rejeter des condamnations de l’État d’Israël. C’est honteux ! », fustige Ziad Majed. Lorsqu’un des cinq membres permanents utilise son droit de veto, les dirigeants de ce pays le font faire par une personne de couleur pour dire « vous voyez, même les catégories opprimées ne veulent pas de cette sanction. »
Le gouvernement israélien ne reconnaît pas les décisions de la CPI. Le parlement israélien, la Knesset, a même adopté une loi pour affirmer l’inexistence d’un État palestinien.
Depuis le 9 octobre, il y a eu 508 déclarations génocidaires de la part de responsables israéliens. On n’a pas le droit de tuer des civils sous prétexte qu’il y aurait des dirigeants du Hamas à proximité. L’État d’Israël est en train de détruire une population, par les armes, la destruction de leurs habitations, des infrastructures, par l’humiliation. Dans des camps de réfugiés il y a une toilette pour 200 et parfois 800 personnes. C’est la destruction d’une partie de la population, c’est une destruction des conditions de vie, c’est un génocide.
La CPI va plus loin et juge que le système d’occupation en Cisjordanie est une forme d’apartheid qui est un crime contre l’humanité.
Les différentes résolutions onusiennes votées ne sont pas appliquées et aucune sanction n’a été imposée. C’est une zone de non droit. Cette impunité encourage d’autres États à faire de même. C’est le cas pour la plupart des régimes arabes, à différents degrés, qui écrasent leurs sociétés, leurs peuples qui sous prétexte de soutien aux Palestiniens, de l’anti-impérialisme ou pour toutes autres causes ne respectent pas le droit international. Ils torturent, ils arrêtent les opposants qu’ils qualifient de « terroristes » pour ne pas appliquer les lois, ils poussent leurs propres peuples à l’exil.
Que la France refuse de mettre en oeuvre le mandat d’arrêt émis par la CPI contre Netanyahou, non seulement c’est grave, mais en plus l’argumentation est juridiquement erronée : ce n’est pas parce qu’un pays — Israël en l’occurrence — n’a pas signé la convention de Rome qui a créé la CPI que les pays signataires ne doivent pas appliquer cette convention à l’égard d’un ressortissant d’un pays non signataire. Netanyahou est pénalement responsable au même titre que Poutine.
La rencontre était organisée par le collectif 17 octobre 1961 Isère : (Algérie au Coeur, Amal, Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA), association de solidarité des Algériens de l’Isère (ASALI), Coup de Soleil en Auvergne Rhône-Alpes, comité de soutien aux réfugiés algériens (CSRA), La Libre Pensée, comité de l’Isère du Mouvement de la Paix) et l’association France Palestine Solidarité (AFPS), l’association iséroise des amis.es des Kurdes (AIAK), la ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran(LDDHI), Nil 38 (Egypte), Tsedek !, Union juive française pour la paix (UJFP).