Saint-Martin-d’Hères. Salle comble pour la mémoire ouvrière, à Mon Ciné
Par Edouard Schoene
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De gauche à droite : Catherine Foisset, Antoine Ségura et M. Guérin, anciens ouvriers et habitants du quartier de la Croix-Rouge, sont venus témoigner à Mon Ciné, après la projection.
Mon Ciné, à Saint-Martin-d’Hères, accueillait, dimanche 29 septembre, une ciné-rencontre consacrée à la mémoire ouvrière. Au programme : la projection de deux documentaires, suivie d’un débat avec la réalisatrice du premier film et d’anciens ouvriers et ouvrières des usines martinéroises, habitants du quartier de la Croix-Rouge.
Dimanche 29 septembre, Mon Ciné a refusé des spectateurs (voir encadré) venus assister, pendant près de quatre heures et demie, à une ciné-rencontre consacrée à la mémoire ouvrière de Saint-Martin-d’Hères. Au menu : la projection de deux documentaires, en présence d’habitants du quartier de la Croix-Rouge. Une initiative co-organisée avec les services de la ville et l’association SMH Histoire – Mémoire vive, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine et du matrimoine. Représentant la municipalité, Claudine Kahane, adjointe à la culture, s’est félicitée du dynamisme de l’équipe aux manettes de Mon Ciné. C’est ensuite la directrice de l’équipement municipal, Pascale Puig qui, à quelques jours de son départ à la retraite, a présenté Catherine Epelly, réalisatrice du documentaire Mémoires d’un quartier ouvrier, la Croix-Rouge, sorti en 2013. « Ce documentaire, réalisé avec la participation des habitants de la Croix-Rouge, permet de se replonger dans l’histoire collective d’une population solidaire mêlant ouvriers et commerçants, d’origine dauphinoise ou issue de l’immigration. Ensemble et accompagnés de nombreux documents d’archives, réunis au Clos des Marronniers sous l’œil bienveillant de Catherine Epelly, ils ont évoqué les années heureuses ou difficiles (comme celles de la Seconde Guerre mondiale et de la fermeture des usines Brun ou Neyrpic) », a décrit Pascale Puig.Les projections des films sur la mémoire ouvrière ont attiré un public nombreux à Mon Ciné.
Le film Les prolos de Marcel Trillat (2002) fut ensuite projeté avec des moments très forts. Des scènes montrant les conditions épouvantables de travail sur un paquebot à Dunkerque (Alstom), la réalité d’une PMI en Isère (Mafelec à Chimilin) ou encore l’exploitation inhumaine et illégale de travailleurs ramassant les poubelles en région parisienne, à raison de cent heures de travail par mois. « La découverte de la lutte des classes » Un débat s’est ensuite engagé avec la réalisatrice et des témoins du passé du quartier de la Croix-Rouge, dont certains figurent dans le documentaire. Tour à tour, Arlette, M. Guérin, Antoine Ségura, Catherine Foisset ont ainsi conté la ville de Saint-Martin-d’Hères d’il y a cinquante ans. Arlette a par exemple travaillé dès 14 ans chez Lustucru à Grenoble ; sa belle sœur a, elle, été embauchée aux biscuiteries Brun. Elle « aime la vie », après avoir pourtant travaillé jusqu’à 80 ans, a-t-elle souligné. De son côté, M. Guérin est entré comme apprenti, à l’âge de 14 ans, chez Neyret Beylier (devenu Neyrpic) où il est resté durant 48 ans. Quant à Catherine Foisset, née dans le quartier, celle-ci a raconté avoir travaillé chez Lou dès 14 ans. « Il fallait venir avec ses propres ciseaux », se souvient-elle. Enfin, Antoine Ségura, ancien de Neyrpic, a rendu hommage aux militants de l’usine qui, pour certains, apparaissent dans le documentaire, citant Jo Blanchon, Pierre Lamy, Denise Papa (Brun), Justine Goy… L’ancien ouvrier a également relaté son entrée à Neyrpic, au retour de la guerre d’Algérie. La révélation de sa vie militante, selon lui : « Ce fut la découverte de la lutte des classes. J’ai appris ce qu’il fallait faire pour se défendre face aux patrons. J’ai adhéré aux Jeunesses communistes, puis au PCF. » Le débat avec la salle a permis notamment de découvrir ce qu’est une commande de film documentaire par une collectivité locale, en l’occurrence la ville de Saint-Martin-d’Hères. La réalisatrice s’est félicitée de la confiance accordée par la ville, saluant par ailleurs le travail de l’historien, des associations locales et des habitants à la fois témoins et acteurs du film.Pascale Puig, directrice de Mon Ciné, pour l’une de ses dernières prises de parole, avant son départ à la retraite.