Grenoble. A la Villeneuve, le lac de la discorde

Par Luc Renaud

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Les représentants du collectif du lac devant un plan d'eau dont ils souhaitent une restauration qui conserverait ses usages actuels.
Le collectif du lac s’oppose au projet municipal de transformation du plan d’eau du parc Jean Verlhac en un lac où la baignade sera autorisée. Un projet d’ampleur dont ce prévaut une municipalité fière d’investir dans les quartiers populaires pourtant contesté par des habitants qui dénoncent une restriction d’accès à un îlot de fraîcheur facteur de cohésion sociale.

« Nous ne vou­lons pas d’un lac fer­mé. » C’est l’un des – nom­breux – argu­ments avan­cés par les oppo­sants au pro­jet muni­ci­pal de trans­for­ma­tion en « lac bai­gnable » du plan d’eau du parc Jean Verl­hac au coeur de la Vil­l­neuve.

Le pro­jet figu­rait dans le pro­gramme muni­ci­pal de la liste conduite par Eric Piolle en 2020. Il a fait l’objet d’études pour abou­tir à un constat : le res­pect de la régle­men­ta­tion en vigueur, compte tenu de sa sur­face, impose des contraintes com­pa­rables à celle d’une pis­cine. Et c’est là que le bât com­mence à bles­ser.

Clôtures

Le col­lec­tif du lac, qui regroupe les deux unions de quar­tier de la Vil­le­neuve ain­si que treize conseils syn­di­caux, s’inquiète des clô­tures impo­sées pour que la bai­gnade soit « légale ». Car, si le pro­jet pré­voit la gra­tui­té d’accès, il com­porte aus­si une limi­ta­tion du nombre d’usagers simul­ta­nés et donc un bar­rié­rage. Assor­ti d’une sur­veillance par des maîtres nageurs. Ce qu’impose la loi. Au cours des quatre mois d’été au cours des­quels le dis­po­si­tif serait en fonc­tion­ne­ment, le plan d’eau ne serait ain­si acces­sible qu’aux heures d’ouverture.

« Ce lac est un espace de lien social, notam­ment au cours des chaudes soi­rées esti­vales, explique Paul Haze­broucq, de l’union de quar­tier Géants Bala­dins, incom­pa­tible avec des bar­rières qui empê­che­ront l’accès aux pelouses qui le bordent. »

Sur cette ques­tion de la clô­ture du plan d’au Chloé Pan­tel, ajointe au maire en charge du sec­teur 6 qui com­prend la Vil­le­neuve, n’est pas si caté­go­rique. Dans le pro­jet tel qu’il est aujourd’hui construit, « il reste à défi­nir la hau­teur des bar­rières qui pour­ront atteindre deux mètres, bar­rières pour par­tie inté­grées à des amé­na­ge­ments pay­sa­gers et, pour un tiers d’entre elles, démon­tées pen­dant huit mois de l’année ». Quant aux espaces actuel­le­ment uti­li­sés tard les soirs d’été, elle indique que des espaces res­te­ront acces­sibles avec des amé­na­ge­ments de type jeux d’eau pour per­mettre aux habi­tants de pou­voir béné­fi­cier de l’îlot de fraî­cheur du parc. Et que l’horaire de fer­me­ture le soir reste à défi­nir – pas trop tard tout de même.

Restriction de l’ouverture de la piscine des Dauphins

Reste la ques­tion de la réduc­tion des horaires d’ouverture de la pis­cine des Dau­phins, située entre la Vil­le­neuve et le Vil­lage olym­pique. Car les maîtres nageurs et les agents affec­tés au lac bai­gnable seront des per­son­nels de la ville déta­chés d’autres struc­tures, et notam­ment de la pis­cine des Dau­phins, rédui­sant d’autant les pos­si­bi­li­tés d’accueil du public aux Dau­phins. Ce que dénonce le col­lec­tif du lac et ne dément pas Chloé Pan­tel, contrainte bud­gé­taire oblige.

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Le col­lec­tif a don­né une confé­rence de presse le 22 mars pour appe­ler au retrait du pro­jet en son état actuel.

Ques­tion gros sous, les cri­tiques du col­lec­tif ne sont d’ailleurs pas moins vives. Le pro­jet pré­voit un inves­tis­se­ment de 4,8 mil­lions d’euros pour aug­men­ter la pro­fon­deur du plan d’eau, col­ma­ter les fuites, ins­tal­ler un sys­tème de phy­toé­pu­ra­tion, moder­ni­ser les pompes… « Nous ne sommes évi­dem­ment pas oppo­sés à une res­tau­ra­tion du lac, bien au contraire, sou­ligne Mar­tine Jul­lian, de l’union de quar­tier des Bala­dins et qui fut conseillère muni­ci­pale délé­guée au patri­moine his­to­rique et à la mémoire élue sur la liste d’Eric Piolle en 2014 et jusqu’en 2020. Des inves­tis­se­ments jugés néces­saires, pour res­tau­rer la qua­li­té de l’eau notam­ment, et non pas pour un pro­jet qui res­trein­drait l’usage du plan d’eau et « déna­tu­re­rait la valeur patri­mo­niale du parc de la Vil­le­neuve ».

Coût de fonctionnement

Le coût de fonc­tion­ne­ment fait éga­le­ment l’objet de cri­tiques. Comme toute pis­cine, le lac de la Vil­le­neuve aura un coût annuel. Son entre­tien, les agents qui y seront affec­tés… Mais il entraî­ne­ra des dépenses sup­plé­men­taires : le mon­tage et démon­tage des bar­rières amo­vibles, des ves­tiaires et équi­pe­ments obli­ga­toires pour une pis­cine… Au total, l’estimation annuelle du coût de fonc­tion­ne­ment du lac est de 400 000 euros. « Pour une pis­cine ouverte quatre mois dans l’année, c’est très supé­rieur au coût annuel de 160 000 euros qui était celui de la pis­cine Iris, fer­mée en 2015 pour être rem­pla­cée par celle des Dau­phins parce qu’elle coû­tait trop cher », com­mente Mar­tine Jul­lian. Même en tenant compte de l’inflation depuis neuf ans.

Ce qui conduit le col­lec­tif à s’interroger sur la péren­ni­té de l’installation : ces 400 000 euros ne prennent pas en compte le coût d’éventuelles dégra­da­tions au cours de l’été et Paul Haza­broucq se pose la ques­tion : « dans le contexte bud­gé­taire que connaissent les col­lec­ti­vi­tés locales, ce niveau de dépenses pour­ra-t-il être assu­mé long­temps par la ville ? »

Autre volet des cri­tiques por­tées par le col­lec­tif, celui de la concer­ta­tion. Gilles Kuntz — repré­sen­tant de l’union de quar­tier de Vil­le­neuve Arle­quin, ancien pré­sident du groupe des élus éco­lo­gistes ADES, Verts et Alter­na­tifs au conseil muni­ci­pal et can­di­dat en fin de liste avec Eric Piolle en 2014 – note que « déjà en 2020, le comi­té citoyen dont les par­ti­ci­pants avaient été tirés au sort avait for­mu­lé des pro­po­si­tions iden­tiques aux nôtres pour la res­tau­ra­tion du lac, pro­po­si­tions que la ville ne veut pas entendre aujourd’hui ». Il évoque éga­le­ment les 500 signa­tures phy­siques recueillies sur les péti­tions du col­lec­tif – en plus des 1300 en ligne dont 800 issues du dépar­te­ment – pour sou­li­gner que « nous qui vivons ici, nous avons une exper­tise d’usage ».

La prise de position de la métropole attendue

Et main­te­nant ?

Le lac fait par­tie de l’ensemble de la réno­va­tion urbaine de la Vil­le­neuve, de ses loge­ments et de son parc, qui dépasse très lar­ge­ment le seul dos­sier du lac. Un pro­gramme aux mul­tiples finan­ceurs, dont la métro­pole et l’Agence natio­nale de la réno­va­tion urbaine. Le col­lec­tif compte sur la métro­pole pour revoir le pro­jet : les conseillers com­mu­nau­taires devraient émettre un avis lors d’une réunion du conseil métro­po­li­tain au mois de mai. Quant au conseil muni­ci­pal de Gre­noble, il devrait lui aus­si se pro­non­cer d’ici l’été.

Ce qui n’empêchera pas le pro­jet d’encore évo­luer dans la der­nières phases de son éla­bo­ra­tion, sou­ligne Chloé Pan­tel, dans le domaine du mobi­lier et des horaires d’ouverture notam­ment tout en se féli­ci­tant de tra­vaux qui vont avan­cer avant 2026 à l’entrée nord du parc et du côté de la place du mar­ché.

En l’état actuel des choses, le début de la muta­tion du plan d’eau est pro­gram­mé pour l’été 2026 et les pre­mières « bai­gnades auto­ri­sées » pour­raient avoir lieu à l’été 2027.

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