MC2 — Grenoble – Surexpositions. Patrick Dewaere ressuscité !
Par Régine Hausermann
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Fabrice Gaillard dans le rôle de Patrick Dewaere Patrick. Surexpositions © OFGDA‑L’œil d’Olivier
Vendredi 15 mars 2024 – Dans les années 60, nous avons eu vingt ans, comme Patrick Dewaere, le flamboyant comédien qui s’est suicidé à l’âge de 35 ans, après avoir eu une carrière époustouflante. Le spectacle proposé par la Cie le Souffleur de Verre était un retour vers notre jeunesse. Pour les plus jeunes, l’invitation à découvrir un comédien exceptionnel. Pari réussi !
Quatre comédien·nes formidables
Lorsque’on arrive devant les gradins de la salle Rizzardo, le regard est happé par le dispositif en cours sur scène. Nous marquons la pause : deux hommes à gauche, deux femmes adroites sont assis·es devant leur table de maquillage. Ils choisissent leurs vêtements, leur perruque … Ils discutent, se préparent. Un petit air de Théâtre du Soleil.
Citons-les d’entrée — Margaux Desailly, Fabrice Gaillard, Johanna Nizard, Cédric Veschambre -, en hommage à leur qualités de comédien·nes, à leur énergie. Ils vont nous enchanter pendant presque deux heures.
La première à nous saisir est Johanna Nizard dans le monologue qui lance la pièce. Avec son peignoir et ses cheveux gris, elle est Mado, artiste lyrique, mère des « petits Maurin », six garçons et une fille, tous artistes, le plus célèbre étant Patrick Dewaere. Mado a la voix éraillée, elle revient sur la naissance et la jeunesse de Patrick, son hypersensibilité. Le public est pris.
Patrick Dewaere en 1975.
Wikipédia
Une mise en scène dynamique et ludique
Les séquences se succèdent à un rythme soutenu. Les comédien·nes se transforment à vue, se préparant à la séquence suivante, pendant que se déroule la séquence en cours . Ils font d’abord revivre les créateurs du Café de la Gare : Romain Bouteille, Coluche, Henri Guibet, Patrick Dewaere, Miou-Miou. Puis les metteurs en scène qui ont compté dans la carrière de Patrick Dewaere : Bertrand Blier et Claude Miller.
Le tournage du film Les Valseuses nous offre quelques séquences turbulentes et déshabillées qui rendent le climat libertaire post-68. Miou-Miou en perruque blonde n’a peur de rien. L’apparition de Jeanne Moreau est saisissante. Nous qui les avons « fréquentés », nous les reconnaissons quasi immédiatement dès qu’ils prennent forme devant nous en « fondus enchaînés »
Les décors se transforment également à vue, poussés par les comédien·nes et un cinquième larron. On quitte les coulisses initiales pour les lieux de tournage des films évoqués, pour laisser la place à des séquences mémorables de ses plus grands films, interprétés par les comédien·nes sur scène, observées par le réalisateur, sous le bandeau qui annonce le film. Scène récurrente et hilarante de Bertrand Blier commentant le tournage et le travail de ses acteurs, tout en épluchant des haricots !
Julien Rocha signe là une mise en scène virtuose et tonique, d’une grande beauté.
Evocation du tournage des Valseuses (1974)
©Remi Blasquez
Pourquoi monter ce portrait théâtral de Patrick Dewaere ?
Julien Rocha, le metteur en scène, dit l’importance que « la compagnie accorde au travail d’acteur, son rapport à l’autofiction et ses recherches sur les frontières de jeu : l’excès, la retenue, le masque, l’incarnation… » C’est donc tout naturellement que le lien s’est fait « avec l’acteur incontournable Patrick Dewaere », qu’il est entré « dans notre inconscient collectif, notre esthétique ». Depuis 2015, la compagnie du Souffleur de Verre a organisé des laboratoires pour comprendre le jeu de l’acteur. De là est née la pièce…
Marion Aubert en a écrit le texte dans lequel elle rend tout le mordant et l’impertinence des personnages et de l’époque. Au-delà de la succession des faits de la courte vie de Patrick Dewaere, le projet était de donner « la vision épique de l’Homme à la frontière de sa rupture avec lui-même ». Les plus jeunes retiendront sans doute le feu qui animait le jeu de l’acteur, son énergie, sa liberté, son audace, son authenticité, son imprévisibilité, ses angoisses.Les séquences se succèdent à un rythme soutenu. Les comédien·nes se transforment à vue, se préparant à la séquence suivante, pendant que se déroule la séquence en cours . Ils font d’abord revivre les créateurs du Café de la Gare : Romain Bouteille, Coluche, Henri Guibet, Patrick Dewaere, Miou-Miou. Puis les metteurs en scène qui ont compté dans la carrière de Patrick Dewaere : Bertrand Blier et Claude Miller.
Surexpositions.
©Remi Blasquez
Faire connaître Patrick Dewaere et son époque
C’est une des ambitions de la pièce : faire connaître à la nouvelle génération, l’acteur Patrick Dewaere, un enfant de la balle animé par la rage de vivre, s’y brûlant jusqu’à en mourir, se tuant d’une balle de carabine dans la bouche en 1982. Mettre en lumière son parcours artistique, ses choix audacieux qui choqueront la bienséance et la bien-pensance. Il est presque constamment sur scène. On craignait de trop y voir Depardieu qui n’est pas, pour nous, « une fierté française ». Heureusement non. Il est bien là au moment de la séquence des Valseuses (1974), évidemment. Mais pas plus.
Patrick Dewaere donc, en pleine lumière, avec sa virilité assumée jusqu’à la caricature, et une nouvelle forme de masculinité car les rapports entre les sexes changent. On s’interroge sur la part féminine des hommes et la part masculine des femmes, qui osent exprimer leurs désirs.
Claude Miller qui l’a dirigé dans La Meilleure façon de marcher disait de lui : « Il est très positif, très battant, très meneur d’équipe mais il avait mauvais caractère, il était soupe au lait et cabochard et avait du mal à se détacher des personnages. Il n’était jamais aussi bien que quand il jouait. »
La Compagnie Le Souffleur de Verre a vu le jour en Auvergne, en juillet 2003. Sa responsabilité artistique est assumée par Julien Rocha et Cédric Veschambre, à la fois metteurs en scène et acteurs, qui donnent une place importante à l’écriture contemporaine et au travail de direction d’acteur.
Leur travail artistique est mené en parallèle avec celui du territoire, dont les actions auprès de la jeunesse. En résidence à Cournon d’Auvergne de 2004 à 2011, à Monistrol-sur-Loire de 2012 à 2015, associée à la Comédie de Saint-Étienne de 2013 à 2016, compagnie associée et responsable de l’École du jeune spectateur au Caméléon à Pont-du-Chateau, scène labellisée pour l’émergence et la création en Auvergne-Rhône-Alpes de 2020 à 2022.