Echirolles. En débat, le journalisme et la concentration des médias
Par Maryvonne Mathéoud
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Soixante personnes ont participé au débat.
Des journaux rachetés par des milliardaires, la « télé Bolloré », la publicité gouvernementale réservée aux titres « bien pensants »… le débat avait a eu lieu à l’Institut de la communication et des médias à l’initiative de la Société des lectrices et lecteurs de l’Humanité 38 en partenariat avec le Travailleur alpin.
Lundi 27 mars avait lieu à Eybens un débat sur la « concentration des médias, danger pour la démocratie » à l’institut communication des médias dans le cadre de la semaine de la presse. Les raisons de ce débat : la mainmise croissante de quelques grands patrons milliardaires sur le paysage médiatique, presse et audio-visuel, pose un problème de démocratie, qui participent notamment à la montée des populismes.
Le débat était animé par Simone Torres directrice du Travailleur alpin avec la participation d’Agnès Briançon, journaliste, déléguée syndicale au Dauphiné libéré et secrétaire du syndicat des journalistes (SNJ) ; Grégory Marin, journaliste à l’Humanité et Michel Pernet rédacteur en chef du Travailleur alpin..
En introduction Gérard Frydman (SLLH) saluait la libération du journaliste français Olivier Dubois correspondant de Libération, du Point et de Jeune Afrique après 711 jours de détention au Mali. Il soulignait les risques que prennent les journalistes pour le droit d’informer. Selon un bilan publié par Reporters sans frontières 1668 journalistes ont été tué·e·s dans le monde en vingt ans.
Gérard Frydman a introduit la soirée.
Simone Torres pose la première question : Est ce que la question médiatique et une question démocratique ?
Pour Grégory Marin, tous les journaux engagés qui ne sont pas affiliés à un grand groupe subissent la pression de l’état. La financiarisation des médias papiers (+ 600 000€ en 2021) est un réel problème. Les médias vivent des abonnements et des publicités. Pour financer notre journal nous n’avons pas les publicités des grandes entreprises comme Renault, Peugeot…. Concernant les publicités d’état, la poste, EDF… nous devons nous battre pour en obtenir alors que ce sont nos impôts que paient ça.
Simone Torres, directrice du Travailleur alpin.
Agnès Briançon indique qu’il y a 267 journalistes au Dauphiné libéré et 100 pigistes qui représentent 90 ETP (équivalents temps pleins). Nombre de journalistes surtout les pigistes ont des situations précaires.
Pour un journaliste installé dans une petite ville, la proximité avec ses interlocuteurs, élus notamment, peut constituer une difficulté. Actuellement au DL, une vingtaine de stagiaires sont en poste sans que les temps de formation puissent être toujours assurés. L’appartenance au groupe Ebra, qui rassemble tous les titres régionaux de l’Est de la France implique des pages nationales et internationales identiques dans tous ces journaux. Concernant la publicité, elle déplore que fréquemment les journalistes les découvrent comme les lecteurs, le matin dans le journal.
Agnès Briançon, déléguée syndicale SNJ au Dauphiné libéré.
Grégory Marin indique qu’il y a 80 journalistes à l’Huma et que les photographes sont tous des pigistes par manque de moyens financiers. S’il y a quatre lieux à couvrir dans le monde, des choix devront être fait pour envoyer un reporter. Cela arrive même en France.
Michel Pernet indique qu’il n’y a pas de journalistes au TA , les articles sont réalisés par des bénévoles (NDLR : il y a 17 rédacteurs). Une difficulté supplémentaire est la diversité des supports, écrits et visuels.
Le numérique va-t-il remplacer le papier pour lutter contre la déforestation ?
« Envoyer un courriel produit du carbone », constate Grégory Marin . Par ailleurs, Agnès Briançon rappelle qu’un abonnement papier rapporte au journal cinq fois plus qu’un abonnement numérique. Ce qui se retrouve dans la structure budgétaire du journal : 80 % du chiffre d’affaire du DL vient du papier. Le problème majeur aujourd’hui reste le portage. La poste ne garantit plus la distribution quotidienne des journaux, c’est la mort des quotidiens.
Grégory Marin, journaliste à l’Humanité.
Trois agences de presse sont dominantes dans le monde : Associated press, Reuters et l’Agence France presse. Ce sont en quelque sorte des lanceurs d’alertes. Le journaliste qui reprend ces informations va appeler des témoins pour recouper l’information. Le secret pour traiter les alertes est d’avoir des propres correspondant sur le terrain.
A une question concernant les GAFA, Grégory Marin explique que c’est la question de la circulation de l’information. Il y en a qui ont le contenant et qui veulent faire le contenu. Les fréquences sont attribuées par l’état qui détient les moyens de faire circuler les informatisations. Agnès Briançon souligne que le travail des journalistes amène une plus value. « Les GAFA nous obligent à être meilleur·e·s. »
Des étudiants de l’ICM ont participé à la rencontre.
Le propriétaire du DL est le Crédit mutuel. Ce qui peut poser le problème d’indépendance de la rédaction. Financer un journal est hors de prix et parfois conduit au rachat de celui-ci par des privés. La loi de concertation de 1986 relative à la liberté de communication (loi Léotard) est obsolète. La proposition de loi de la NUPES pour limiter la concentration des médias par un groupe est une avancée mais le problème est que ce sont les élus du personnels qui devront se prononcer pour un rachat ou non ce qui leur fait porter une grosse responsabilité.
Concernant la déontologie il n’existe pas de polices des journaux mais il y a une charte de la déontologie le CDJM (Conseil de déontologie journalistique et de la médiation). La clef est que beaucoup de monde se saisisse de ça.
La richesse des journaux, ce sont ses lecteurs.