Coronavirus. De l’utilité des CHSCT supprimés par les ordonnances Macron

Par Travailleur Alpin

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À Moirans, la lutte des salariés de la plateforme courrier est parvenue à faire respecter leur sécurité ainsi que celle des usagers. Un droit arraché notamment grâce au CHSCT, que La Poste conserve de façon dérogatoire, après la suppression en 2017 de ces comités. Depuis avril, sous couvert de crise sanitaire, La Poste semble néanmoins, poursuivre sa politique de restructuration.

Le 17 mars dernier, six cas suspects de covid parmi les salariés de la PPDC de Moirans, ont mené à la fermeture de la plateforme pour désinfection. Avant que la décision ne soit mise en œuvre sous pression, la direction avait connaissance de l’existence des malades, mais feignait de les ignorer. La fermeture, intervenue du 23 au 31 mars, s’est également accompagnée d’une mise en quatorzaine de l’équipe du personnel concernée.

Ces mesures de protection des salariés et des usagers, devant le foyer de contamination avéré, n’ont été obtenues que sous l’effet conjoint de l’exercice d’une trentaine de droits de retrait, d’une alerte CGT/Sud au CHSCT, de l’intervention de l’inspection du travail, ainsi que d’une mise en demeure juridique, émise par Sud.

Le stock caché de masques de La Poste

Entre le début du confinement, mi-mars, jusqu’aux premiers jours d’avril, le discours de La Poste concernant les masques, était celui de leur pénurie et de leur inutilité. Jusqu’à ce que la fédération du syndicat Sud, ne découvre l’existence d’un stock caché de 24 millions de masques. Révélation permise lors des échanges entre la direction et le syndicat, dans le cadre d’une plainte nationale émise par Sud, pour mise en danger (cf. Libération du 6 avril).

Il aura donc fallu, là aussi, l’encours d’une plainte, pour contraindre l’entreprise à distribuer les masques, qu’en réalité, elle possédait en quantité largement suffisante…

De l’utilité des CHSCT à la dérégulation gouvernementale

Suite à l’ordonnance Macron de 2017, supprimant les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), La Poste est demeurée la seule entreprise nationale à conserver ses CHSCT. Sur le CHSCT du réseau Isère/Drôme/Ardèche des guichets de La Poste, trois alertes pour danger grave et imminent, ont été émises, et de nombreuses, côté courrier. Depuis le confinement, sur l’ensemble du territoire, 24 expertises d’évaluation des risques et des changements d’organisation mis en œuvre, ont été engagées.

« Masques, protections, dispositifs de sécurité et documents, n’ont été lâchés que sous la pression des CHSCT. Quant à l’expertise, même si elle n’a pas de valeur contraignante, c’est la menace juridique potentielle qu’elle représente, qui contraint le plus souvent l’entreprise, à prendre les mesures de protection sanitaires », souligne Samuel Levasseur, Sud-PTT.

Dans un bureau de poste, à Grenoble. Des protections pour le moins bricolées, pour les ouvertures pendant le confinement.


Le décret gouvernemental passé le 27 mai dernier, qui vise à réduire les délais de convocation des derniers CHSCT, que sont ceux de La Poste, loin d’œuvrer au service la protection de la santé, au nom de laquelle il est instauré, vise plutôt à entraver la collecte sur le terrain, des recommandations en matière de santé. Les contacts avec les nombreuses unités de terrain deviennent désormais impraticables dans des délais si restreints.

Les délais de convocation pour CHSCT ordinaires, passent ainsi de huit à deux jours ; tandis que les délais de convocation pour restructuration, sont réduits à trois jours.

L’une des leçons de cette pandémie, au regard des enjeux vitaux qu’engagent les CHSCT, est d’avoir démontré le caractère inaliénable qui devrait, au contraire, leur être conféré, c’est-à-dire leur nécessaire constitutionnalisation.

Menace de restructuration sous couvert d’adaptation

Isabelle Beddelem et Samuel Levasseur, représentants syndicaux chez Sud, s’inquiètent de ce que les changements d’organisation mis en place, à l’occasion de cette crise, ne masquent en réalité, une restructuration destinée à être pérennisée, et dont le projet préexistait au coronavirus. Ainsi, côté guichets sur Grenoble, Chavant, Alsace-Lorraine, Berriat et République, sont désormais fermés entre midi et 13h30. Même type de changement à Valence.

Côté courrier, le samedi, les levées sont supprimées et les tournées réduites, soit des réductions de services que les deux représentants syndicaux craignent de voir pérennisées au-delà de septembre – terme officiel de l’échéance censée demeurée provisoire.

De nouvelles exigences actionnariales

Si le temps de service de La Poste est désormais réduit et le recours à l’intérim et aux CDD stoppé, le nombre de colis et son corollaire en terme de flux client, explosent. Le confinement génère une activité sur les colis, supérieure à celle du mois de décembre (17 millions en avril, contre 15 millions pour le mois de décembre – qui est la référence haute en temps normal. Soit davantage de travail, avec moins de personnel, et de longues files d’attente aux bureaux…

La crise sanitaire survient dans le contexte d’une financiarisation des détenteurs du capital de La Poste. Depuis début mars, la Caisse de dépôt et de consignation (CDC) est devenur l’actionnaire majoritaire avec 66 % des parts, tandis que l’État est devenu minoritaire. En 2019, les bénéfices de l’entreprise, en hausse, s’élevaient à 822 millions. Or, lors de sa prise de contrôle, avant le confinement, la CDC annonçait viser pour 2030, un bénéfice double.

Julie Berthoud

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